This is my story

« Life is a joke »

  La Nouvelle-Orléans, il y a 25ans. En fait, rien de bien différent d'aujourd'hui. J'ai grandi dans une famille relativement aisée, et j'ai pu profiter de l'amour de mes parents, même si j'avais tendance à les trouver plus qu'étouffants. Enfin, j'avais l'avantage de ne pas être fils unique, ma sœur étant née un peu plus d'un an après moi, aussi, nos parents se partageaient entre nous. Sincèrement, je n'ai jamais été jaloux de ma sœur, même si elle était la plus jeune, et peut-être la préférée de nous deux. Personnellement, sa présence me permettait de respirer, et puis, on s'entendait sacrément bien tous les deux.

Tellement bien que je n'étais jamais le dernier pour l'entrainer dans l'une ou l'autre de mes découvertes, comme ce jour d'hiver où je la trainais presque hors du lit pour l'emmener patiner sur l'étang gelé. Elle ne voulait pas venir, mais il suffit d'un bon regard de chat potté pour la convaincre de me suivre, après avoir bien sur enfilé suffisamment de manteaux, écharpes et autres bottes pour survivre au froid polaire qui s'était installé en ville cette année là. Et oui, quand on a dix ans, on sait parfaitement coordonner idioties et intelligence. C'est dommage qu'on perde cette capacité en grandissant, surtout quand c'est pour ne garder que les idioties en réserve.

Enfin bref, nous avons fini par y aller sur cet étang gelé, encore, et encore, profitant que nos parents dormaient tôt le matin pour sortir en douce de la maison et jouer sur la glace avant que ne vienne l'heure de l'école. Nous en profitions d'ailleurs davantage encore en sachant que bientôt le printemps reviendrait et nous enlèverait notre terrain de jeu favori. Si il n'avait enlevé que ça ...
Un matin comme les autres, nous nous amusions sur la glace comme d'habitude, sans nous préoccuper plus que ça des craquements sinistres qui provenaient parfois de la glace sur laquelle nous marchions. Peut-être qu'on aurait du. Non, en fait, on aurait surement du y faire plus attention. Dans mon dos, un craquement, un cri de terreur, une explosion d'eau, de quoi faire disparaitre le sourire que je portais sur les lèvres pour faire naitre en moi une inquiétude qui ne fit que grandir en me retournant, pour ne plus voir ma sœur nulle part sur la glace. J'ai couru jusqu'au trou dans la glace tout en l'appelant, ne réfléchissant absolument pas une seconde avant de sauter à l'eau pour l'en sortir, sans plus parvenir à plonger qu'à la voir. L'eau était si froide que ce fut un miracle que j'arrive à m'en sortir, bien que je ne parvins à rien d'autre qu'à rester étendu sur la glace à appeler ma sœur encore et encore en pleurant.

tin salaud, ça y est, je chiale ... un jour j'aurai un perso normal avec une vie normale dans une famille normale...

Suite à ... ce qui s'est passé - non, je ne le nommerai pas, et je refuse de reparler de ma sœur -, je me suis littéralement coupé du monde, ne sortant plus de ma chambre que pour me rendre le plus mécaniquement du monde à l'école, où je ne réagissais même plus à quoique puissent inventer les gosses de ma classe pour me rendre la vie dure. D'un gamin bagarreur qui réagissait au moindre mot de travers, j'étais devenu si impassible au monde qu'une seule personne a réussi le miracle de me tirer de mon enfermement, presque à coups de pied dans l'arrière train, il faut le dire. Elsa, ma voisine, que je n'ai pas mis bien longtemps à prendre sous mon aile et à utiliser littéralement comme sœur de remplacement, la seule qui, après plusieurs semaines, réussit à me redonner une raison de vivre, comme si ce cauchemar n'était qu'un cauchemar et qu'une nouvelle chance m'était donnée.

Seulement, c'était sans compter sur mon père, désireux d'aller voir d'autres horizons où rien ne lui rappellerait la perte de sa fille ou la culpabilité de son fils dans cette histoire. Alors on est partis. New York c'est grand, trop grand, et je n'ai jamais été à ma place là-bas. J'ai fait comme font tous les gosses pour arrêter d'avoir leurs parents sur le dos, je me suis voilé la face, ai mis des œillères et j'ai marché droit, même si en face de moi je ne voyais que des murs. La seule chose qui me faisait rentrer à la maison le soir était de pouvoir parler à Elsa par Skype, et c'est jusque tard le soir que s'éternisaient nos conversations.

Après les faux semblants vint le déni, dont il parait que je ne suis toujours pas sorti, d'ailleurs. Si je refuse catégoriquement de m'approcher de quoi que ce soit ressemblant de près ou de loin à un cours d'eau ou un étang - mais même une mare aux canards de trois mètres carrés ça suffit hein ... -, j'ai profité de ce que les parents appellent la crise d'adolescence pour repartir à zéro, faire des conneries, ou encore m'éclater avec mes amis ... avoir quelques déboires avec la police aussi, comme je peux assurer que la cellule de dégrisement, j'en connais chaque recoin. Enfin, avoir fini dans un mur avec ma moto après une soirée un peu trop arrosée et quelques mélanges trop bien dosés est parvenu à me calmer, même si je ne peux pas dire que le jus d'orange soit devenu ma boisson favorite, enfin, je m'auto-gère mieux, à ce qu'il parait. Puis, c'est qu'une moto c'est pas donné, et mon père refuse catégoriquement de financer mes emmerdes à ce sujet. J'ai pété la première, je paye la seconde. Puis, vu le sermon que j'ai pris de la part de Elsa quand j'ai pu rallumer Skype, vaut mieux pas que je me rate la prochaine fois que je manque de crever ... enfin, entre temps, j'ai une escalade des Twin Towers à tenter ... comment ça elles ont pété y a dix ans au moins? Bon ok, Elsa, me voilà ...