This is my story

« And my soul from out that shadow that lies floating on the floor, shall be lifted ? Nevermore… »

Quand on parle de la Nouvelle-Orléans, on pense tout de suite au bayou, au jazz et aux gens qui dansent dans la rue jusqu'au lever du jour. Ce n'est pourtant pas tout ce qui fait de cette ville un petit coin de paradis. Et pourtant c'est dans cette ambiance festive, carrefour des nationalités, que je suis venu au monde. Mes parents étaient propriétaires d'une très vieille taverne qui sentait le bois trempé, le houblon et le cigare à la vanille. Ils en avaient hérité de leurs parents qui en avaient eux-même hérité des leurs. Pour faire court, cette taverne était presque aussi vieille que la ville et se passait de génération en génération aux membres de ma famille. Ainsi donc, j'en étais logiquement le digne héritier. Enfin en tout cas, c'est ce qui était prévu. Malheureusement mes parents sont morts dans un bête accident de voiture dont j'ai eu l'incroyable chance de réchapper, probablement grâce à mon siège auto et à ma ceinture de sécurité. Bien trop jeune pour devenir propriétaire du O'Connor, j'ai été placé dans un foyer tandis que mon bien le plus précieux était confié à quelqu'un d'autre. J'ai donc grandi dans un environnement difficile, entouré de beaucoup de jeunes qui n'étaient pas forcément tous sympathiques. J'ai du apprendre à ruser pour survivre au milieu de ce gang. Le temps m'a enseigné la patience, la persévérance, l'art de tricher et de manipuler. Au début je n'en étais pas très fier, mais je suppose qu'on se fait à tout, à force d'exercices. Cependant je n'avais pas un bon fond. Je n'ai jamais été cruel. Dans notre foyer, il y avait une petite fille plus jeune que moi. Elle s'appelait Penny et elle avait bien des problèmes. Se retrouver sans parents pour s'occuper d'elle, c'était le dernier de ses soucis, car elle était sourde et muette. Plus par instinct qu'autre chose, je me suis retrouvé à apprendre son langage et à la protéger des autres autant que je le pouvais. Après tout, c'était un peu ma petite sœur. Quand elle a été adoptée, j'ai été content pour elle. C'était la seconde chance qu'elle attendait. Je n'ai ressenti aucune jalousie en la regardant s'éloigner dans la voiture de ses nouveaux parents. Je savais que mon destin serait tout autre. Et j'avais raison d'y croire.

Ma majorité atteinte, je m'étais fait un nom dans le foyer et on me respectait. Cependant je n'avais aucune intention d'y rester plus longtemps. J'ai donc fait ma valise (une toute petite valise, puisque ne ne possédait presque rien) et je suis parti sans me retourner. Mon enfance m'avait été utile pour la suite, j'en gardais un souvenir précieux, mais les regrets n'était pas faits pour moi. Je suis retourné là où tout avait commencé. J'avoue volontiers m'être arrêté sur le trottoir pour observer la devanture du O'Connor, non sans verser ma petite larme. J'étais de retour à la maison. Comme tout héritier qui se respecte, j'ai tout de suite pris possession des lieux en me familiarisant avec la clientèle, m'en faisant des alliés. A force de jouer avec eux, j'ai appris les règles du poker et du menteur. Deux jeux particulièrement amusants quand on sait comme moi utiliser sa cervelle de façon pratique. Un jour, gonflé d'assurance, j'ai défié le patron de la boutique en personne. Après des semaines à le côtoyer, je connaissais sa façon de penser et de fonctionner. Ça a presque été trop facile de lui voler son titre de meilleur joueur de la taverne. Cependant, ce n'était pas ce que je visais. Une semaine plus tard, je l'ai défié à nouveau, mais sur un pari beaucoup plus risqué : tout mon argent contre son business. Comme il n'avait pas de raison de se méfier (n'ayant dit à personne qui j'étais), il a naturellement accepté. Je n'en attendait pas moins de lui. Quel personnage sain d’esprit refuserai autant d'argent ? Car au fil de mes entraînements, j'avais déjà amassé un sacré butin. Pour cette partie, j'ai pris un risque énorme. Ma fierté était telle que je me suis refusé de tricher. Si je devais récupérer mon bien le plus précieux, ce serait de façon loyale, la tête haute. Heureusement, la chance était de mon côté ce jour là. C'est la mine grave que l'homme a récupéré son manteau dans l'entrée et a quitté les lieux pour toujours. J'ai été très honoré de découvrir que tous les clients se réjouissaient du retour du fils prodigue. Certains étaient assez vieux et se souvenaient de mes parents, ainsi que de moi lorsque je n'étais qu'un bébé. Autant dire que j'ai été accueilli à la maison les bras ouverts.

Les jours sont passés, puis les mois et enfin les années. A force de persévérer, ma réputation s'est propagée dans la ville. Toujours plongé dans les combines foireuses, je me suis créé un réseau de troc et de revente style marché-noir, tout autour de ma taverne. Mon nom est à la fois connu, respecté, aimé et craint. Après tout, personne ne sait jusqu'où peuvent traîner mes petites oreilles indiscrètes. j'ai laissé entendre que j'avais des hommes un peu partout, sous couverture. Du coup, ça inspire à tout le monde la prudence me concernant. Il serait fâcheux de se mettre un tel homme à dos, n'est-ce-pas ? Pourtant je ne suis pas un méchant gars, je ne torture personne, je ne supprime personne non-plus. Mais si quelqu'un fait quelque chose de vraiment impardonnable, je peux m'arranger pour le mettre dans une caisse et l'expédier par bateau jusqu'en Chine. C'est simple, c'est direct, et ça salit pas les mains. Sinon le reste du temps, je me contente de ma routine, je n'engage presque pas de personnel car j'aime être à la fois le barman, le cuistot et le serveur. Parfois, je loue quelques chambres à l'étage du dessus, notamment pour les...filles de joie, on va dire. Je ne fais ça qu'en de rares occasions, mais j'ai toujours une ou deux jolies filles majeures qui cherchent un moyen d'arrondir leurs fins de mois. Elles ça les arrange et moi ça m'attire des clients. Tout le monde s'y retrouve. Cependant, ces derniers temps, je reçois la visite quotidienne d'une autre sorte de jeune femme, bien plus dangereuse et plus irrésistible que mes habituées. Elle ne cherche pas plus d'argent, elle en a déjà trop. Du coup, elle vient le dépenser en boissons, ce qui ne me dérange pas le moins du monde, vous vous en doutez. Au début je la servait et puis j'allais ailleurs, mais maintenant nous nous sommes lancés dans une joute verbale interminable. Tous les soirs, on se vanne, on se cherche, on se trouve. En parlant de trouver, j'avoue qu'elle ne me laisse pas indifférent. Elle a quelque chose dans le regard de terriblement séduisant. Après tant d'années de solitude, il se pourrait bien que je trouve enfin de la compagnie à la hauteur de mes espérances.